Dans le paysage mondial des voyages, le passeport russe suscite de nombreuses interrogations quant à sa position et sa puissance. Entre classements officiels et réalités pratiques pour les voyageurs, sa situation s’avère plus complexe qu’il n’y paraît. Examinons en détail où se place réellement le passeport russe au niveau mondial et quelles sont les implications pour ses détenteurs.
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TogglePosition actuelle du passeport russe dans les classements mondiaux
Selon les données récentes du cabinet de conseil Henley & Partners, le passeport russe occupe actuellement la 50e place du classement des passeports les plus puissants du monde. Cette position représente une progression de deux places par rapport au précédent classement. Théoriquement, ce document permet à ses détenteurs d’accéder à 119 destinations sans visa ou avec un visa d’entrée simplifié.
Cette position, qui peut sembler relativement bonne, cache toutefois une réalité bien différente. Par suite, le classement ne prend pas en compte les nombreuses restrictions et fermetures d’espaces aériens imposées suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ces mesures ont considérablement réduit la mobilité réelle des citoyens russes, créant un décalage entre le classement officiel et la situation pratique.
Pour mieux comprendre le positionnement du passeport russe, il convient de le comparer aux autres documents de voyage dans le monde :
- Japon : 1ère position avec 193 pays accessibles sans visa
- Singapour et Corée du Sud : 2e position (192 pays)
- Allemagne et Espagne : 3e position
- France : 6e position (187 destinations)
- Russie : 50e position (119 destinations)
- Syrie, Irak, Afghanistan : moins de 30 pays accessibles sans visa
Ce classement révèle une tendance intéressante : les passeports asiatiques ont désormais dépassé les passeports européens en termes de puissance. Jusqu’en 2016, le passeport français figurait parmi les trois plus puissants au monde, mais cette hiérarchie s’est transformée au profit des pays d’Asie.
Impact de la guerre en Ukraine sur la mobilité des citoyens russes
Depuis le déclenchement du conflit en Ukraine le 24 février 2022, la situation des voyageurs russes s’est considérablement détériorée. De nombreuses restrictions ont été imposées, limitant drastiquement leurs possibilités de déplacement international, particulièrement vers l’Europe.
Plusieurs pays européens, dont la Tchéquie, l’Estonie, la Finlande, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne, ont demandé à Bruxelles d’interdire la délivrance de visas Schengen aux touristes russes. Le ministre estonien Urmas Reinsalu a même déclaré qu’il était temps de « cibler les Russes ordinaires » et que « ces personnes privées silencieuses devraient également comprendre qu’il y a des conséquences à la guerre ».
D’un autre côté, tous les pays européens ne partagent pas cette position. La Hongrie, le Luxembourg et l’Autriche se sont opposés à une interdiction totale. Le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, a affirmé ne pas considérer l’interdiction de visa comme une décision appropriée. Jean Asselborn, son homologue luxembourgeois, a souligné qu’il fallait « éviter un nouveau rideau de fer en Europe ».
Pays | Position sur les visas russes | Mesures adoptées |
---|---|---|
Finlande | Restrictive | Fermeture des points de passage frontaliers avec la Russie |
Estonie | Restrictive | Fermeture du poste frontière de Narva-Ivangorod depuis février 2024 |
Allemagne | Modérée | Proposition de suspendre les accords de facilitation des visas sans interdiction complète |
France | Nuancée | Distinction entre « fauteurs de guerre » et citoyens ordinaires |
En 2021, avant le conflit, les 26 pays de l’espace Schengen avaient reçu trois millions de demandes de visas, dont 536 000 provenant de citoyens russes, avec un taux de refus d’environ 3%. Cette situation a radicalement changé suite au déclenchement de la guerre, avec de nombreuses frontières désormais fermées aux voyageurs russes.
Les stratégies d’adaptation face aux restrictions internationales
Face aux sanctions internationales et aux restrictions de voyage, de nombreux citoyens russes ont dû développer des stratégies d’adaptation. L’une d’elles consiste à changer de nationalité, une tendance particulièrement visible chez les athlètes russes souhaitant poursuivre leur carrière internationale.
En septembre 2023, le ministre des Sports russe, Alexeï Morozov, estimait que 100 athlètes russes, dont 55 pratiquant des disciplines olympiques, avaient changé de nationalité. Ils ont choisi des destinations comme la France, Israël, la Serbie, la Géorgie ou l’Ouzbékistan. Le cycliste Mikhail Yakovlev, né à Moscou et représentant désormais Israël, a déclaré : « Je ne suis plus retourné en Russie depuis et je n’y retournerai pas, sauf si le gouvernement change et que la guerre s’arrête ».
Cette situation s’est manifestée lors des récents événements sportifs internationaux. Aux Jeux Paralympiques de Paris 2024, 98 athlètes ont participé sous bannière neutre : 90 avec un passeport russe et 8 avec un passeport biélorusse. Ces sportifs, privés de leur identité nationale dans les compétitions, illustrent les conséquences concrètes des tensions géopolitiques.
Au-delà du sport, les voyageurs russes ordinaires font face à de nombreuses contraintes pratiques. Depuis mars 2022, l’exportation de devises étrangères de plus de 10 000 USD est temporairement interdite pour les personnes quittant la Russie. Les touristes russes ne peuvent plus utiliser leurs cartes de crédit émises sur le territoire européen, compliquant considérablement leurs déplacements.
La Première ministre estonienne Kaja Kallas a résumé la position de nombreux pays européens en déclarant que « visiter l’Europe est un privilège, pas un droit humain ». Cette phrase illustre parfaitement le changement de paradigme auquel les détenteurs du passeport russe sont confrontés dans le contexte géopolitique actuel.